Bilocation
Parmi les faits merveilleux que relatent les historiens des saints, figure celui-ci. Le moine Alphone de Liguri jeûnait dans sa cellule, à Arezzo, en même temps qu’il était, à Rome, au chevet du pape Clément XIV, fort malade. Bien qu’à priori il semble absolument irréalisable, il n’exclut pas toute possibilité, si on l’explique en admettant une forme de dédoublement téléplastique, par ailleurs vérifié, sous diverses modalités plus ou moins assimilables au cas d’Alphonse de Liguri. Tout le monde sait, par exemple, que, dans l’agonie, les mourants sont parfois capables d’orienter leurs suprêmes pensées – leur adieu – vers des êtres chers, et éloignés, orientation qui peut prendre une telle intensité qu’elle provoque, près des êtres visés par l’agonisant, la formation d’une image fantomale plus ou moins définie.
De même, cette sorte de bilocation peut se produire et à toute distance, entre un individu endormi, somnambule ou hypnotisé et un « récipient » qui, lui-même, dans le sommeil ou dans l’état de veille, constate un instant, à son voisinage, la présence du… voyageur immatériel (Ces faits seront reconsidérés dans notre fascicule intitulé L’Ectoplasme, les fantômes et les moulages.)
À ce propos, le savant Hyslop rapporte (Il existe beaucoup d’autres relations de faits analogues) : « Le docteur C. W. S. s’éveille d’un sommeil profond, à une heure du matin, avec la sensation nette de la présence d’une personne dans sa chambre. Regardant de tous côtés, il aperçoit, en effet, au pied du lit, sa femme (alors absente) vêtue de son costume d’intérieur. Il lui demande ce qu’elle fait là, et elle lui répond qu’elle vient chercher de ses nouvelles. Puis elle s’approche de lui, l’embrasse… et disparaît. Le matin suivant, le docteur télégraphie à sa femme. Elle répond qu’elle est en bonne santé. Elle revient au logis quelques jours après, et le docteur est frappé de s’entendre demander s’il a bien dormi pendant la nuit du samedi (nuit de l’apparition). Sa femme finit par lui dire qu’ayant lu, dans Lays of physical phenomens de Hadeson, qu’il est possible d’apparaître à une personne éloignée, si l’on pense fortement à elle avant de s’endormir, elle a tenté l’expérience sur lui. (D’après César Lombroso.)
Les sorcières ont une aptitude particulière pour la bilocation. Tels se montrent à des distances considérables, « à quatre journées de marche ». Pour réaliser cette prouesse, elles se déshabillent, chez elles, devant un grand feu où brûlent des bois répandant des senteurs fortes, se couvrent de leurs « gris-gris », chantent des mélopées incantatoires pour appeler les Esprits à leur aide, enfin s’enduisent d’un élixir, avant de s’endormir d’un sommeil cataleptique. C’est dans cette transe qu’elles s’extériorisent et que leur « double » vagabonde au loin, souvent pour des fins utiles, puisque, dans ces pérégrinations, elles vont visiter des personnes désignées à qui elles sont chargés, par un commanditaire, de transmettre des commissions orales. Elles trouvent le destinataire et lui font entendre ce qu’elles ont à lui apprendre.
On le voit, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, depuis que, si l’on en croit Tacite, l’empereur Vespasien, dans le temple de Sérapis à Alexandrie, vit près de lui le spectre du prêtre Basilidès, dans le même moment couché, informe, par delà les mers.
Pour ce qui a trait à l’autovision du double, rappelons que Goethe, Gérard de Nerval, Georges Sand, Guy de Maupassant virent, près d’eux, leur fantôme.